Trois coups de coeur dans le sud marocain

M'étant accordé une semaine de congés, j'ai pu faire, avec deux amis qui me sont chers, et à des tarifs qui ne le furent pas (ramadan permet), une petite ballade dans le sud-ouest marocain.

D'Agadir (où nous n'avons fait qu’atterrir), nous sommes donc partis, munis d'une carte SIM marocaine et d'un objet désuet, mais bien pratique, une carte papier du Maroc.

Après un arrêt au village de pêcheurs de Tifnete, nous avons rejoint Tafraoute.

L'ancien amenaz  de la vallée des Ammelne est désormais une petite ville proprette, entourée d'un cirque rose aux nombreux chaos granitiques, parsemé de village berbères tel celui d'Aday.

En ce chaud milieu de journée, et en plein ramadan, nous trouvons la capitale de la babouche toute assoupie.

A l'étonnement des tafraoutis rencontrés, nous choisissons de prendre les routes R106 et P1723 pour rejoindre Tarroudant. Inconnu des gdiriotes, bien que tout à fait roulant, cet itinéraire permet d'apercevoir quelques igoudar, malheureusement invisitables si on ne dispose pas de toutes les clefs.

Ces greniers collectifs fortifiés (agadir au singulier) sont typiques de l'Anti-Atlas et méritent, à mon sens, d'être inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO (comme le sont les beffrois de Belgique et de France).

L'agadir de Tasgent (commun aux village d'Amzrou et de Bouka) et ses environs

Le deuxième jour, depuis Tarroudant, nous rejoignons la région d'Asni par le col du Tizi-n-Test.

Au passage, nous nous arrêtons à la mosquée de Tinmel, tout aussi fermé que l'agadir de la veille.

Voici qui fut bien dommage puisqu'il s'agit de l'une des deux seules mosquées du Maroc accessibles aux non-musulmans ; de fait, après la chute des Almohades, devenue trop grande pour la population locale, elle a perdu son toit et a été désaffectée.

La porte ouest étant garnie d'une simple grille, les photos sont possibles

Nous dormons à Ouirgane et commençons le quatrième jour par une courte promenade dans le cirque d'Aremd, porte du Toukbal.

Depuis Imlil, on commence par trois petits quarts d'heure dans un décor quasi biblique, jusqu'au hameau de la Roche d'Aroumd. Il ne reste plus qu'à redescendre à travers une fraiche forêt de noyers, le plus simple, pour éviter de se perdre, étant de suivre le crottin des mulets.

Puis nous faisons l'incontournable détour à Marrakech, ville dont il me fut difficile d'apprécier les atouts.

Pour moi, c'est une destination qui ne pourra retrouver de l'intérêt que lorsque les autorités auront réglé le problème de la circulation des deux roues motorisés - et donc de la pollution - dans la Médina et les souks.

L'après midi du quatrième jour nous rejoignons Essaouira qui tient toutes ses promesses.

Nous en visitons les environs, le cinquième jour, et repartons en fin de matinée le sixième jour.

Nous longeons la côte puis, après Ismouane, au lieu de rejoindre directement Agadir, nous choisissons de faire le détour par la région d'Immouzer des Ida-Outanane.

En cet fin mai, les cascades sont évidemment à sec, mais nous passons un agréable moment à l'Hôtel des Cascades, établissement de plusieurs dizaines de chambres, injustement traité par le Guide du routard.

Autour de l'hôtel des Cascades

Au matin du septième jour, il est temps de reprendre la route d'Agadir.

Nous passons - trop vite,  car l'avion ne nous attendra pas - par la vallée du Paradis et à proximité de la palmeraie de Tamazargot (dont la route d'accès depuis Agadir est effectivement en perpétuels travaux).

Si j'ai clairement été déçu par Marrakech, ce périple m'a offert trois coups de cœur :

Tout d'abord pour un hébergement, en l’occurrence les chambres proposées par le restaurant le Mouflon à Ouirgane.

Justement signalé par le routard et le géoguide Gallimard, cet établissement tient plus de la chambre d'hôte que de l'hôtel-restaurant.

Aidé par son frère Farid, Rachida a transformé le café fondé par leur père, dans les années 1950, en un restaurant, véritable havre de paix, juste animé par les rires des trois filles de la maison (et je dois l'avouer le chant - trop matinal - du coq) .

Proposant également quelques places de camping, il dispose de quatre - bientôt cinq - grandes chambres avec salle de bain (et eau chaude).

Certaines sont intégrées au bâtiment d'habitation, d'autres sont totalement indépendantes (les plus près du vaillant gallinacé).

Partout poussent fleurs et arbres fruitiers ; il suffit ainsi de secouer une branche devant la fenêtre pour faire choir quelques clémentines (à dévorer sans même les éplucher).

Vient ensuite mon coup de cœur pour un personnage, un fois n'est pas coutume il s'agit d'un commerçant, jeune et apparemment sans signe distinctif.

Mais dans la foule des marchands d'Essaouira, la plupart pourtant très aimables, celui-ci avait quelque chose en plus.

Hakim tient une petite échoppe d'épices et de babioles pour touristes (surtout étoffes et céramiques) au 26 rue Ammasar. A côté de celle-ci, son "entrepôt" regorge de céramique de Safi même si son vrai projet c'est de le transformer en restaurant. J'espère d'ailleurs y venir manger un jour tant le personnage est accueillant.

Car si le partage du thé est un classique de l'hospitalité marocaine, la sincérité d'Hakim y apporte un supplément d'âme. N'hésitez donc pas à lui demander de vous préparer des mélanges d'épices ou de thé royal (qui d'ailleurs ne contient pas une seule feuille de thé) afin de rapporter un peu de Maroc dans vos valises.

le hamam se trouve à côté de l'échoppe d'Hakim

Vient enfin mon coup de cœur pour un moment.

J'aurais pu choisir  le départ des pêcheurs de la plage de Fitnete, à 6h15.

Cependant, cet instant, relativement fugace, ne fut que contemplation.

En revanche, à Had Draa, l'amenaz (marché) du dimanche est pleinement expérience.

Etant connu de la communauté des voyageurs routards, il est fréquenté par quelques touristes et expatriés, juste assez nombreux pour ne pas être pris, soi-même, pour une bête curieuse.

En dehors de ces quelques congénères, tout est local et authentique.

En prenant quelques précautions de base (afin éviter d'être victime d'un pickpocket), on peut vivre un moment -empoussiéré- de vérité humaine.

Au bas du souk berbère, le foirail où veaux, chèvres, moutons, vaches, voire dromadaires, attendent les acheteurs.

S'ils ont de la chance, il quitteront Had Draa pour la ferme de leur nouveau propriétaire, parfois avec celui-ci sur leur dos, lorsque ce n'est pas l'inverse. S'ils en ont moins ils rejoindront les étals des bouchers, un peu plus haut dans le marché.

Entre les deux, les fabricants d'outils et rémouleurs, les fabricants de portes d'entrée en métal (toujours décorées dans les villages chleuhs) et autres marchands en tous genre.

Sur le côté, les vendeurs de légumes, à même le sol.

Et, à la cime du marché, chacun dans leurs petites tentes, les barbiers et coiffeurs.

le marché d'Had Draa

N'ayant pas eu le temps de leur confier ma tête, il me faudra revenir à Essaouira, et à Had Draa, pour m'y faire raser.

Et mille mercis à mes deux compères.